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Image : Pascal Muller (c)Image : Pascal Muller (c)

12.05.2017

Aventure collective pour les jeunes migrants du canton

Football et intégration. L’équipe Couleur Respaix dispute le championnat de la Ligue romande de football. Un effort solidaire a rendu possible ce projet.

Ils viennent d’Ethiopie, d’Erythrée ou de Sierra Leone, du Maroc, d’Afghanistan ou de Somalie. Souvent tourmenté, leur parcours de vie les a conduits en Suisse, où ils resteront quelques mois, un peu plus longtemps pour ceux qui vont recevoir un permis. Dans notre canton, ces jeunes gens de 16 à 18 ans répondent au profil de Mineurs non accompagnés (MNA) issus de la migration et séjournent dans l’un des quatre foyers récemment créés à cet effet par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Pour ces destins cabossés, le sport, et le foot en particulier, demeure un moyen d’intégration sans égal. Ainsi, un joli réseau de solidarité s’est mobilisé pour que soit créée «Couleur Respaix», une équipe qui dispute le championnat 2017 de la Ligue romande de football.

«En cherchant une solution pour ces jeunes qui n’ont pas accès à une activité physique régulière, nous nous sommes dit: pourquoi ne pas former une équipe? Et nous avons tenté ce pari», explique Stéphane Tercier. A l’origine de ce projet, le chirurgien lausannois (traumatologie et médecine du sport chez l’enfant et l’adolescent) et son épouse Sarah (pédiatre au CHUV) ont alors cherché les relais nécessaires à son élaboration. «Nous avions la même envie, souligne Renaud Villé, de l’EVAM. Ces jeunes doivent se reconstruire. Il faut leur donner un cadre, une confiance, une estime de soi. Former notre propre équipe nous semblait donc une très bonne solution».

Restait encore une série de problèmes pratiques à régler, comme trouver un terrain pour s’entraîner et bien sûr un championnat dans lequel s’intégrer. Approché, le Lausanne-Sport a très vite donné à une réponse positive. «Nous avons été touchés par cette démarche, note Gianluca Sorrentino, vice-président du LS Association. Nous avons donc listé leurs besoins et vu que nous pouvions, par nos réseaux, trouver des solutions concrètes. Nous pensons que notre club a un rôle à jouer dans la société. Un tel projet avait donc du sens».

LS, pas seulement des pros

Vice-président du LS, Christian Ballif complète: «Notre club, ce n’est pas seulement une équipe de pros pour la Super League. Nous avons une responsabilité dans l’éducation de manière plus générale. Et cette idée nous a semblé représentative de valeurs importantes à nos yeux». Un terrain d’entraînement a été trouvé (à Chavannes, mais aussi en salle durant l’hiver), des équipements fournis, un soutien financier accordé (par le biais d’une subvention du Bureau cantonal pour l’intégration), et un suivi médical organisé, afin d’éviter tout risque de problème cardiaque notamment.

En quelques mois, l’équipe a pris forme. Sur le canton, quelque 200 joueurs étaient susceptibles d’être alignés. La moitié d’entre eux a montré un réel intérêt et compris les attentes, le cadre fixé par les responsables. Une vingtaine – tous par ailleurs scolarisés – ont finalement été retenus. «On a vu qu’il était difficile d’envoyer ces jeunes dans des clubs de manière individuelle, remarque Stéphane Cilione, l’entraîneur de «Couleur Respaix», également éducateur à l’EVAM. Cette équipe leur donne la possibilité de travailler les bases d’un sport collectif, dans un esprit de fair-play, en développant une solidarité entre eux et, surtout, en prenant un maximum de plaisir».

Une joie manifeste

Ironie du calendrier, mercredi soir au Chalet-à-Gobet, l’équipe de «Couleur Respaix» se mesurait à celle de HEC Lausanne. Les étudiants ont mené 2-0 à la mi-temps, avant de se laisser rattraper par l’enthousiasme – et deux frappes magnifiques – de leurs adversaires. Score final: 2-2 avec, au coup de sifflet final, des applaudissements nourris, quelques embrassades et une joie manifeste. Chez les acteurs, mais aussi chez ceux qui les encadrent.

A l’image de Renaud Villé, qui déjà veut voir plus loin. «Ce projet est uniquement destiné aux ados, précise-t-il. Mais nous avons aussi la volonté de créer une équipe d’adultes, ainsi qu’une autre formée de plus jeunes (14-16 ans). Le but ultime, c’est bien sûr l’intégration, qui passe par une continuité entre le travail éducatif en foyer et celui des entraînements». Cette première expérience devrait inciter tous ceux qui se sont impliqués à poursuivre dans la voie désormais tracée par Couleur Respaix. 

Un esprit d'ouverture

La Ligue romande de football a investi les installations du Chalet-à-Gobet (trois terrains) en 1971. Le championnat actuel regroupe 65 équipes. Daniel Guillemin préside la LRF depuis une vingtaine d’années.

Le principe d’intégrer une équipe de ce type a-t-il été facilement admis ?
Oui, tout à fait. Nous avons simplement demandé quelques garanties, qu’il s’agisse de l’organisation ou de l’encadrement. M. Tosato (ndlr: municipal des sports et de la cohésion sociale) nous a vite rassurés.

Que représente la présence de l’équipe «Couleur Respaix» pour la Ligue romande ?
Nous restons dans l’esprit d’ouverture voulu par la Ligue romande depuis plus d’un siècle. On donne la possibilité de pratiquer le football à ceux qui ne peuvent le faire ailleurs. Il s’agit du seul sport capable de réunir des gens de milieux et d’origines aussi différents.

Votre impression après les deux premiers matches de «Couleur Respaix»?
Il y a de bons joueurs dans cette équipe. On sent qu’elle est arrivée chez nous sur la pointe des pieds, avec le souci d’être bien acceptée. On sent aussi que ces joueurs viennent d’horizons différents et qu’ils doivent aussi faire un effort pour communiquer entre eux et se comprendre. C’est intéressant.

Article de François Rufieux paru dans le quotidien 24heures le 12.05.17.

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